Sans surprise, Syntec Conseil conteste les chiffres donnés par le livre « Les infiltrés », qui dénonce l’influence « supposée » des grands cabinets de conseil anglo-saxons sur les politiques publiques françaises. Le syndicat des sociétés de conseil se félicite mi-mars des conclusions plus « nuancées » de la commission d’enquête du Sénat.
Trois semaines après la parution du livre « Les infiltrés », qui dénonce les recours jugés abusifs de l’État aux cabinets de conseil, essentiellement anglo-saxons, dans tous les secteurs d’activités, dont le Numérique, le Syntec Conseil monte mi-mars 2022 au créneau pour défendre ses affiliés. Et pour cause, les sénateurs ont annoncé en mars vouloir déposer une proposition de loi pour mieux encadrer certaines pratiques « discutables » du conseil.
Si le syndicat français des sociétés de conseil reconnaît le chiffre « d’un milliard d’euros toutes missions de conseil confondues, mis en avant par la commission d’enquête du Sénat », il le pondère car il « invalide selon lui les chiffres fantaisistes du livre polémique, que Syntec Conseil contestait à raison ».
Or, chiffres à l’appui, fournis par l’Observatoire économique de la commande publique, Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, journalistes à « l’Obs », estiment dans le livre que le montant des prestations extérieures dans les achats de l’État (frais, hôtellerie, immobilier, etc) ont atteint 28 milliards d’euros en 2019, contre 9 milliards d’euros en 2005. Et selon leurs calculs, les sommes versées aux cabinets de conseil oscillent entre 1,5 et 3 milliards d’euros par an. Les missions vont de la rationalisation du système de santé, à la réduction des effectifs dans l’administration, en passant par l’informatisation de la police ou de la défense.
« Le livre amalgame les missions sur l’informatique de l’Etat avec les autres missions »
Syntec Conseil estime lui que l’augmentation des dépenses de conseil de l’Etat entre 2020 et 2021 s’explique en grande partie par l’importance du report des missions de 2020 en raison des confinements sanitaires. Il reproche donc au livre Les infiltrés « d’amalgamer les missions sur l’informatique de l’Etat avec les autres missions gonfle artificiellement le chiffre global et ne présente aucun intérêt pour la réflexion, d’autant moins que ces missions ne relèvent pas du périmètre de travail de la commission d’enquête : l’influence supposée sur les politiques publiques ».
Le Syntec Conseil considère donc que les données de marché consolidées par les sénateurs battent en brèche l’idée reçue d’un ou quelques acteur(s) dominant(s), et montrent l’importance des acteurs français sur les marchés du conseil au public, à rebours d’une supposée mainmise des cabinets « anglo-saxons ».
« 90 % de ces grands chantiers informatiques sont au mains de cabinets de conseil, pour la plupart étrangers ».
Il est vrai que les exemples donnés dans le livre concernent exclusivement de grands cabinets de conseil IT anglo-saxons (Accenture, McKinsey, etc.). Ils auraient pu y ajouter les noms de grands intégrateurs IT certifiés, comme eux, sur toutes les plateformes IT et cloud des Gamma.
Selon Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, la « consultomania a atteint son apogée pour la numérisation des services de l’État. Près de 90 % de ces grands chantiers informatiques sont au mains de cabinets de conseil, pour la plupart étrangers. Pour un enjeu aussi crucial, la prise de contrôle est quasi totale ». Un journal a révélé en mars que McKinsey n’avait pas payé d’impôts en France depuis 10 ans, malgré un chiffre d’affaires de 329 M€ en 2020…
Le Syntec Conseil estime pour sa part que « l’utilité du recours par le public à des consultants n’est pas remise en cause par le Sénat. C’est une bonne nouvelle, car la question n’est pas de savoir comment l’Etat peut se passer du recours à des conseils extérieurs, mais comment il peut améliorer l’efficacité des services publics en maîtrisant ses dépenses, comment bâtir un Etat stratège qui décide, sache déléguer au privé ce qui doit l’être et en conserver la maîtrise ».
Les très délicates « mobilités professionnelles » entre les secteurs privé et public
S’agissant des règles encadrant les très délicates « mobilités professionnelles » entre les secteurs privé et public, le Syntec Conseil souhaite s’y conformer, tout en précisant « Les recrutements de hauts fonctionnaires par des entreprises de conseil sont peu nombreux et concernent principalement des hauts fonctionnaires en début de carrière ». Il serait favorable à l’application aux embauches de consultants par les clients publics des mêmes règles d’indemnisation des cabinets qui s’appliquent à leurs clients privés.
Enfin, le Syntec Conseil félicite le sénat pour ses 19 propositions afin de créer un cadre déontologique pour la profession, « d’ailleurs déjà pratiqué par un certain nombre de cabinets, permettrait une harmonisation des pratiques de marché qui bénéficierait à tous les acteurs ».